le doris

Le Doris est l’embarcation emblématique des Terre-Neuvas.

Inspiré des embarcations de l’Amérique du nord «  les Warys », il fut adopté par les Terre-Neuvas en 1877 en raison de sa grande maniabilité, de sa légèreté et de sa faculté d’être empilé à bord des voiliers.

Armé par deux hommes, le patron de Doris et son matelot (avant de doris), il était utilisé pour aller tendre les lignes de pêche à 2 à 3 milles (3,7 à 5,5 km) du navire mère qui restait au mouillage.

Les postes de pêche étaient répartis dans huit secteurs autour du navire et étaient tirés au sort entre les équipages de doris. Lorsque le vent était favorable, à l’aller ou au retour des postes de pêche, la voile était utilisée, sinon, c’est à l’aviron que les Terre-neuvas effectuaient le parcours.

La pêche s’effectuait avec des lignes dormantes de fond tendues entre deux flotteurs (les signaux). Elles étaient longues d’environ 1000 mètres et gréées d’hameçons montés sur des avançons de 70cm. L’appât utilisé était souvent des bulots. Les lignes étaient tendues le soir et relevées le matin.

Revenus le long du bord du voilier, les dorissiers embarquaient leur pêche à l’aide des piquois (ou piqueux) en prenant soin de piquer la morue dans la tête pour éviter de meurtrir les chairs. Les morues embarquées étaient comptées et le doris était crédité du nombre de morues pêchées. Ce décompte servait en fin de campagne (6 à 7 mois) pour la répartition des gains entre l’équipage.

Une fois à bord, le travail de la morue commençait avec le vidage, le décollage, le tranchage, le lavage, le salage et l’arrimage en cale.

Après ces travaux qui les menaient bien avant dans la journée, les dorissiers démêlaient leurs lignes de pêche, brisaient les coquilles des bulots et ré-appâtaient  leurs lignes de pêche qu’ils lovaient dans des mannes d’osier.

Enfin, la journée s’achevait avec un dernier voyage en doris pour aller tendre leurs lignes une nouvelle fois.

Chaque doris était équipé, sous la responsabilité du patron de doris, de son matériel de pêche (lignes, signaux, piquois), de navigation (mât, voiles avirons, écopes, compas magnétique d’embarcation, corne de brume) et de survie (boîte à eau d’environ 3 litres, boîte à biscuits de mer).

Chaque voilier embarquait, en début de campagne, environ 24 doris. Compte tenu du nombre de voiliers armant pour Terre-Neuve et du fait qu’un doris ne pouvait faire plus de deux campagnes de pêche, les besoins en construction de doris étaient considérables et ont donné lieu à une véritable industrie de construction navale. Pour donner une idée de ce que pouvait être l’importance de cette industrie, indiquons que les chantiers Lemarchand de la Landriais construisaient de 200 à 250 doris par an. La construction commençait fin mars et durait jusqu’en septembre, ce qui avait l’avantage d’utiliser du personnel à une époque où le chantier n’était pas occupé avec les réparations des navires.

Les doris étaient toujours peints en rouge pour être mieux repérables avec le liston et le plat bord en vert. Un règlement de 1905 a imposé de peindre sur chaque doris le nom du navire, l’indication de son port d’attache et le n° du doris.

Bien que robuste, très maniable et doté d’une excellente stabilité l’usage des doris pouvait, en certaines circonstances se révéler dangereux. Cela pouvait survenir en cas de pêche abondante si, voulant éviter un aller-retour supplémentaire vers le poste de pêche, les dorissiers surchargeaient leur doris jusqu’à l’enfoncer pratiquement jusqu’au plat bord. En ce cas, le moindre clapot risquait de submerger l’embarcation et de faire couler le doris et son équipage qui, dans les eaux froides de Terre-Neuve avait peu de chance d’en réchapper.

L’autre risque était de voir se lever la brume, très fréquente dans les eaux de Terre-Neuve. Lorsqu’elle survenait et limitait la visibilité à quelques dizaines de mètres, le patron de doris ne pouvait compter que sur la corne de brume actionnée à bord du voilier et sur son sens marin pour retrouver le chemin du retour sur le navire mère. Tout au long des 75 ans où le doris fut utilisé pour la pêche, de nombreux dorissiers se perdirent dans les brumes et dérivèrent de longues journées en espérant pouvoir être recueillis par un navire. Certains le furent mais beaucoup périrent de faim, de soif et du froid.

Le dernier trois mâts goélette utilisant des doris pour la pêche fut le Lieutenant René Guillon, de Saint Malo, qui fut désarmé en 1952.

A bord des chalutiers classiques qui ont peu à peu remplacé les voiliers, les doris étaient utilisés comme embarcation de servitude avant d’être supplantés par les canots pneumatiques.

Aujourd’hui, le doris reste une embarcation mythique, utilisée pour le loisir. De nombreux adeptes continuent de faire vivre cette embarcation dont les rassemblements tels que «  Doris en Rance » constituent des animations festives très prisées dans le pays de Saint Malo.