Le départ
Guy Desjardins, de Saint-Servan, embarque sur "l’HEUREUX", un chalutier classique de Saint-Malo, à la fin des années 1950.
Quelques jours avant le départ, il faut faire l’inventaire du sac pour vérifier qu’il ne manque rien, vêtement ou tout autre chose, qui s’avérera indispensable en mer. La bonne solution consiste à vider le sac, étaler son contenu sur le lit et pointer au fur et à mesure ce que l’on range dans le sac.
C’est que le sac du marin contient toute une garde-robe : tricots de corps chauds, caleçons longs, chemises épaisses, gros chandail, vestes, pantalons, grosses chaussettes épaisses, chaussons, bottes cuissardes, vestes cirées, pantalons cirés, suroît, cagoules et mitaines en laine, gants de caoutchouc ; le tout au moins en double. Et il ne s’agit pas d’oublier le papier à lettre et les enveloppes par avion, le crayon et le stylo, le dentifrice, la brosse à dents et le gobelet, un peigne, une savonnette et un gant de toilette, une aiguille, du fil et un bout de laine pour le « grinchou » le tube de pommade pour les gerçures, des compresses et des bandes,
Cet inventaire effectué, le sac est fermé et on commence à compter les jours qui restent avant l’embarquement. A ce moment là, la tête se met à marcher, au fil des jours une idée devient obsédante : vous allez quitter votre foyer et vous séparer de vos êtres les plus chers pour plusieurs mois. Le doute s’installe : ai-je bien réfléchi ? 4 mois et demi c’est très long ? La séparation sera difficile, le « cafard » fait son nid et l’attente du départ se transforme en un vrai calvaire.
Enfin le jour « J » arrive. Les hommes se retrouvent sur le quai : certains arrivent par le car, les autres en voiture particulière. Jusque là, tout va bien. On essaie tous de sourire en mettant le sac à bord, mais ce sourire forcé nous crispe. Les phrases échangées sont courtes, sobres, faites pour briser le silence et dissimuler la tristesse : « Ecris-moi ! », «Ne m’oublie pas, je penserai à toi ! », « Fais bien attention à toi, reviens-nous vite avec beaucoup de poisson dans les cales ! », « Couvre-toi bien pour ne pas attraper froid, tu as tout ce qu’il faut dans ton sac ! », ...Quelques petits baisers à gauche et à droite, on essaie de tromper l’angoisse.
Plusieurs coups de sirène brefs appellent les retardataires pour l’embarquement immédiat. Car, en face, certains cafés regorgent de marins qui prennent un dernier verre en famille ou avec des copains avant le grand départ. "... " pour lire la suite de cet épisode consultez notre Journal de Bord du mois de Mai 2005.
Guy Desjardins naviguera à la Grande Pêche en faisant sa carrière à la machine. Passionné de photographie, il ramènera de nombreux clichés sur le travail du poisson et la vie à bord. Regroupés par thèmes ces témoignages sont présentés à chaque exposition de notre association. Guy a pris ses dispositions pour que sa collection lui survive en la léguant, à son ultime départ, à notre association.