Le voilier
Les premières campagnes à Terre Neuve, à la fin du XVème siècle et au début du XVIème siècle, se sont faites avec des navires aussi divers que variés selon les embarcations disponibles dans les différents ports d’armement. Au cours du XVIème siècle, avec l’essor de cette pêche, les ports adaptèrent les navires pour une navigation au long cours.
Au XVIIème siècle, Jouve recense des flutes (proches des flibots), des pinasses et des sortes de frégates, bien plus élancées que les flutes et pinasses aux lourdes formes arrondies. La plupart des bâtiments armés en France étaient des trois-mats carrés (donc d’un tonnage important), le reste étant des gondoles, senaus ou dogres à deux mats.
Au XVIIIème siècle, les trois-mats, proches de ceux utilisés au XVIème siècle (deux châteaux et deux étages de voiles), deviennent le type de navire courant pour la pêche à la morue. Mais cet aussi à cette époque que l’on voit apparaître le brigantin et la goélette à partir de 1720.
Sur cette période, le tonnage des navires a augmenté pour se fixer autour de cent tonneaux (avec une quille de 52 pieds), au moins en ce qui concerne la morue verte ; la pêche de la morue sèche autorisant des tonnages jusqu'à 250 tonneaux ou plus.
À Saint-Malo en 1675, le navire le plus important (350 tonneaux), "Les Armes Françaises", avait 76 pieds de long, 18 pieds de large et 10 pieds de creux. Une des qualités recherchées de ces bateaux étaient leur résistance aux échouages, vue l'absence de port ; leurs varangues devaient, pour cette raison, être plates, ce qui permettait également d'embarquer de grandes quantités de poisson. S'il était malmené par ces échouages, le navire pouvait ne pas dépasser dix ans avant d'être hors d'usage.
Au XVIe et XVIIe, le bourgeois voulant faire construire passait un contrat avec un charpentier, et fournissait l'essentiel des matériaux ; au XVIIIe, des constructeurs, essentiellement charpentiers, se chargent de toutes les opérations. Le coût d'un navire de cent tonneaux était de l'ordre de 10 000 livres jusqu'à la fin du XVIIème siècle, mais ce montant doubla au siècle suivant, suite à la hausse des matériaux consécutive à la guerre de la Ligue d'Augsbourg.
Avant chaque campagne, les cales du navire étaient emplies de sel, l'essentiel de son avitaillement, en volume tout au moins. lors de la pêche, une fois le sel transformé en un bloc par le tassement, le poisson était entreposé en meme temps que salé, dans des excavations en forme de grotte, ouvertes successivement l'une à coté de l'autre.
Sur ces navires, la morue se pêchait à la ligne. Les pécheurs se tenaient dans des demi-barriques amarrées le long du bord.
Au début du XVIIIème siècle, cette technique de pêche fut remplacée par des lignes dérivantes tendues à l’aide de chaloupes.
Entre 1820 et 1840, plus de 10 000 pêcheurs français partaient chaque année sur les bancs de Terre-Neuve
C’est vers 1873 que les doris firent leur apparition. Bateaux à fond plat, très manœuvrables et surtout faciles à empiler sur le pont ils devinrent très vite l’embarcation typique des pêcheries de Terre-Neuve et, avec le temps, l’emblème du terre-neuva. Deux hommes armaient chaque doris et pêchaient toute la journée à la ligne dérivante. Peu à peu, la technique de la ligne dérivante fut remplacée par l’usage de lignes de fond, longues de près de 3 Km, tendues sur les 8 aires du compas autour du terre-neuvier et relevées le lendemain. De retour le long du bord du terre-neuvier, les dorissiers envoyaient leur pêche à bord à l’aide de piqueux (longue gaffe armée d’un pic) en prenant garde de ne piquer que la tête de la morue. A bord du terre-neuvier, le traitement de la morue intervenait : les piqueurs vidaient le poisson, les décolleurs coupaient la tête, les trancheurs le fendaient en deux et enlevaient l’arête dorsale, les novices les lavaient dans des bailles d’eau de mer et les affalaient en cale ou le saleur (dont la qualité du travail intervenait directement sur le profit de la campagne) les salaient et les arrimait.
Au début du XXème siècle, les bateaux terre-neuviers quittaient leur port d'attache au mois de mars avec un équipage d’une trentaine de marins et mettaient une vingtaine de jours pour atteindre Terre-Neuve.
Avant la mise en pêche, la première tâche étaient `de mouiller des casiers pour pêcher des bulots (appelés aussi « coucous ») qui serviront d'appâts pour boëtter (amorcer) les hameçons.
Lorsque les cales sont pleines, après quelques mois, les voiliers terre-neuvier font escale à Saint Pierre ou à St jean de Terre-Neuve pour y débarquer la première pêche qui sera ramenée en France par les « chasseurs » (navires spécialement affrétés pour le transport de la morue).
Après avoir débarqué leur premier chargement, les trois-mâts morutiers retournent sur les lieux de pêche et «débanqueront» que lorsque les cales seront pleines à nouveau ou que le mauvais temps d’automne les contraindront à revenir en France.